41 femmes prennent la parole les dernières révélations sur laffaire Gérard Miller Elle

Le cœur battant dans la poitrine, les mains tremblantes et les images qui remontent. Les 41 femmes qui nous ont contactées à la suite de la publication de notre enquête sur le psychanalyste Gérard Miller disent avoir été submergées par l’émotion lorsqu’elles ont découvert les récits des victimes présumées. Elles ont expliqué, l’une après l’autre, « J’avais l’impression de lire mon histoire. » Elles nous ont également confié leur soulagement, celui de ne plus se sentir seules. Trente d’entre elles nous ont livré un récit détaillé de leur rencontre avec Gérard Miller, 18 évoquant des faits de viols et d’agressions sexuelles qui auraient eu lieu entre 1993 et 2020 ; les autres des tentatives. Des témoignages recueillis alors que « Mediapart » a publié de son côté les récits de dix autres personnes. Une cohorte de femmes qui ne se connaissent pas, mais qui, pour beaucoup, esquissent en écho le même scénario : celui d’un homme de l’âge de leur père abordant de toutes jeunes filles, assises dans le public de ses émissions ou évoluant dans son entourage personnel.

La plupart nous ont donné des détails très spécifiques sur les lieux, « une salle à la déco zen japonaise » où se déroulent les séances d’hypnose, « un couple de perroquets en cage »; l’agencement d’un hôtel particulier en fond de cour près de la place de la Nation; le cabinet de psy au rez-de-chaussée; et les chambres à l’étage. Le mode opératoire, lui aussi, se répète d’un témoignage à l’autre : la visite des lieux que Gérard Miller propose, son intérêt pour la virginité des jeunes femmes, le taxi qu’il commande, après les faits qu’elles décrivent : toutes ont raconté ces agressions à des proches qui nous l’ont confirmé. Certaines étaient même mineures à l’époque des faits qu’elles rapportent. C’est le cas de Narjes, qui rencontre Gérard Miller à l’été 1993, au Club Med d’Hammamet, en Tunisie. Alors âgé de 45 ans, le psychanalyste y passe des vacances en famille, et l’adolescente de 15 ans noue une relation amoureuse avec J., le fils de sa femme (ce dernier n’a pas souhaité répondre à nos questions). « Gérard Miller était l’attraction du village, se souvient Narjes. Il parlait à tous les jeunes, tutoyait tout le monde. »

Lors de ce séjour, le célèbre chroniqueur organise des « soirées hypnose » avec les ados, au cours desquelles il aurait dit à Narjes qu’elle est « très réceptive ». Le dernier soir, elle et son amoureux – le beau-fils du psychanalyste, donc – sont au bord de la piscine, pour se dire adieu. Âgée de 46 ans aujourd’hui, Narjes se remémore une scène marquante : dans la pénombre, Gérard Miller surgit d’un buisson. « Il a trouvé le moyen d’entrer dans le mini club, fermé à cette heure, et nous a proposé de le suivre. Une fois à l’intérieur, il nous suggère une séance d’hypnose, et nous met chacun dans une pièce. J’avais peur, raconte Narjes, encore fébrile trente ans plus tard. Mais comment dire non ? » « Alors que j’étais totalement ailleurs, j’ai senti qu’il enlevait mon jean et ma culotte, puis qu’il mettait ses doigts à l’intérieur de moi. Il s’acharnait, j’avais mal. À la fin, je l’ai entendu dire : “et quand tu te réveilleras, tu ne te souviendras plus de rien”. »

À son « réveil », l’adolescente fait comme si de rien n’était et n’en parle à personne. Plus tard, l’une de ses amies, Amel, la questionne sur son changement de comportement. « Je la trouvais changée, nous confie celle-ci, désormais journaliste en Tunisie. Elle était brillantissime à l’école, belle comme le jour… Gérard Miller a foutu sa vie en l’air. » À l’automne 2017, en plein scandale #MeToo, Narjes songe à raconter son histoire au site internet aufeminin.com, et se renseigne auprès d’une avocate sur les risques encourus (Narjes nous a donné accès à leurs échanges de mails). Effrayée, elle renonce. Mais la publication de notre enquête le 31 janvier la décide finalement à franchir le pas.

Une autre jeune femme, Ariane*, a elle aussi été bouleversée par la lecture de ces témoignages. « Ça bouillonne, ça remonte », nous explique-t-elle, assise dans son salon. Des cernes violets marquent son visage. « À l’automne 2001, au cours de son année de terminale, elle est passionnée de psychologie, et écoute régulièrement Gérard Miller à la radio et à la télévision. Elle lui écrit une lettre sur une feuille de classeur d’écolier, dans laquelle elle sollicite une interview pour le journal du lycée. » Selon elle, le médiatique psychanalyste l’appelle le 9 novembre 2001, jour de ses 17 ans pour l’inviter à venir chez lui le dimanche suivant. Elle s’y serait rendue plusieurs fois, d’abord accompagnée d’amis, puis seule. Un jour, Gérard Miller l’aurait conviée à un brunch avec Laurent Ruquier.

Après le déjeuner, il l’aurait ramenée chez lui. Elle n’a pas le souvenir d’avoir été hypnotisée, mais ne parvient pas non plus à comprendre comment elle s’est retrouvée allongée… avec le psychanalyste sur elle. « Il m’a demandé si j’avais déjà couché avec un garçon. J’ai dit “non”. Il m’a répondu : “je ne serai pas ton premier, mais on peut faire d’autres choses.” Les images tournoient dans sa mémoire : le tout premier rapport sexuel de sa vie, une fellation contrainte, à un homme de 53 ans. Puis le trou noir. Elle ne sait pas comment elle est rentrée chez elle. Elle s’apprête à déposer plainte pour viol.

Gilles Moreau https://belgiumtribune.be/

Journaliste chevronné depuis plus de 12 ans, j'ai couvert divers sujets allant de la politique nationale à l'économie mondiale. Autrefois affilié à des publications de renom, il apporte désormais son expertise à BelgiumTribune.be, analysant en profondeur les enjeux politiques et économiques qui façonnent l'avenir du pays.

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